COMMENT RFI ECRIT L’HISTOIRE DE MADAGASCAR

Publié le par Ny Marina

L’historien préfère traiter du passé, et plus le passé est lointain, moins il risque les critiques des acteurs de cette histoire. Or, l’historien ne peut éviter de réfléchir à  la façon dont se sont constitués les documents sur lesquels il travaillera bien après les faits vécus. Quiconque travaillera sur les événements malgaches de 2009 le fera sur le dossier qui est en cours de constitution. Ce matin, RFI a apporté sa pierre à  ce dossier. Il est bon de s’arrêter sur ce véritable parpaing, qui montre les méthodes de ce journalisme.

RFI nous apprend donc que les gardes présidentiels ont tiré sur une foule comprenant des dizaines de milliers de manifestants. A bien comprendre ces « dizaines de milliers de manifestants», l’on pense immédiatement au moins à  environ 100.000 personnes.. Or, s'il constatait qu’il y avait beaucoup de gens, un journaliste présent n’aurait dû se contenter d’être simplement le petit rapporteur de ce qu’on lui a dit et, dans de telles circonstances, de l’estimation que lui ont donnée les organisateurs de la manifestation. Présent sur les lieux, il aurait dû voir que l’avenue de l’Indépendance n’était pas remplie. Si elle avait été entièrement couverte de gens, cela aurait pu faire 250.000 personnes. Or, ce samedi matin, n’étaient occupés ni le tiers de l’avenue côté gare, ni l’autre tiers côté pharmacie Razafinarivo.

Selon la pratique habituelle du magnétophone-trottoir, pour valider son travail, le journaliste a trouvé un témoin et l’a enregistré. Ce n’était ni un marchand de yaourt des bords de rue, ni un DJ des salons tananariviens, c’était un médecin, le Dr Jacquot, donc un témoin de qualité à  l’appréciation des auditeurs de la radio. Il nous apprend qu’il n’y a eu ni sommations ni grenades offensives et que les militaires d’Ambohitsirohitra ont tiré sur la foule en fuite. Les militaires qui ont tiré, a-t-il affirmé, n’étaient pas des Malgaches, mais des mercenaires sud-africains. Pourtant, a-t-il poursuivi, Andry Rajoelina avait fait appel à  l’EMMO-Nat, c’est-à -dire à  la direction de l’armée malgache. En arrière-plan, on croit comprendre a posteriori que l’armée malgache ne pouvait rien contre des Étrangers.

«  Testis unus, testis nullius », la formule est connue de quiconque a fait ses humanités ou des Études de droit. Le journaliste, s'il la connaissait, aurait dû choisir, parmi plusieurs témoins, celui qui lui apparaissait comme le plus croyable. Or, en dépit de sa qualité de médecin, il est évident, par une simple étude du contenu de son propos, que notre témoin est un tgviste, un partisan de Andry Rajoelina : il n’était pas venu en pensant qu’il y aurait du grabuge et que l’on aurait besoin de lui. En fait, il participait à  la manifestation et était persuadé ou de la légalité du pouvoir de Rajoelina ou de son effectivité du fait de l’efficace de sa parole : comme il avait fait appel à  l’EMMO-Nat, l’armée devait intervenir. De plus, il avait admis que la rumeur diffusée par les organisateurs du mouvement de contestation et de prise du pouvoir était vraie : un Malgache ne pouvant tuer un autre Malgache selon la solidarité communautaire, les militaires en cause ne pouvaient être que des Étrangers, des Sudafs, stipendiés par Ravalomanana. S'il avait été un peu mieux au courant des questions que posent le fonctionnement des institutions de son pays, il aurait dû savoir que, si la présence d’un ou deux conseillers techniques étrangers spécialisés dans la formation des groupes d’élite est possible, les hommes qui composent la garde présidentielle sont bien des Malgaches, même s’ils portent des cagoules dans les actions difficiles, comme cela se fait en dehors de Madagascar.

S'il avait été présent lors des faits, il aurait pu voir que la manifestation de la violence provocatrice du côté tgviste n’avait pas été absente et qu’elle contribuait aussi à  expliquer ce qui fut une horrible tuerie.

Servitude de beaucoup d’envoyés spéciaux à  l’idéologie universaliste occidentale « pour bien gagner leur pain grâce aux niches fiscales dont bénéficie leur métier », il est parachuté dans un cirque où évoluent des gladiateurs et où les lions demeurent invisibles. De toutes façons, il ne sera pas jugé sur les erreurs que sa rédaction restera bien incapable de déceler. On sait bien comment sont trouvés interprètes et informateurs dont dépendent les résultats des reportages. Et le hasard des trouvailles ne sert pas toujours la connaissance, quand, au delà  de l’information, ce n’est pas un combat politique qui fonde leurs actions en faveur de leur « vérité». Ils sont dans la même position que les missionnaires et évangélistes qu’ont envoyés les missions pendant deux siècles et qui exagéraient les abominations de la société et du gouvernement malgaches pour faire vibrer la corde sensible de leurs bailleurs de fonds dans les chaumières d’Europe. A cette différence près qu’ils diffusent en fait non la bonne mais la « mauvaise nouvelle».Et qu’ils ne vont même pas chercher les sources de la presse écrite et des sites internet qui, comme Sobika et Topmada, s’essaient à  rendre les événements en temps réel et où l’on trouve des récits faits par des témoins et très utilisables. Au tribunal de l’histoire, il faut écouter tous les témoignages et en démêler les différents éléments. Un seul témoin ne fait pas toute la vérité et le témoignage d’un journaliste parachuté même comme envoyé spécial ne doit pas devenir parole d’Evangile.

En ce lundi matin 9 février, je dois dire que RFI a fait quelques progrès dans la connaissance des faits. Il me faudra faire le récit de ce que je sais de ce samedi rouge. J’ai déjà  pris des notes pour ne pas me laisser orienter par quelques restes de préjugés, comme nous en avons tous. J’y reviendrai donc.


Ratsimatahobitsika

 

Note de l'administrateur : des ressortissants français aves lesquels nous avons eu l'occasion de discuter nous ont fait part de leur écoeurement quant à la façon qu'avait RFI de traiter et "d'officialiser" les événements sans se préoccuper d'une quelconque objectivité ou tout au moins neutralité. Comme disait l'un d'eux : il faudrait au moins 1000 morts pour qu'ils se bougent le cul et cessent de donner de fausses infos qui ne tiennent pas la route. Bien sûr ça va nous retomber dessus.

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