Allons plutôt à Maputo

Publié le par Ny Marina

Allons plutôt à Maputo

L’hôtel Panorama n’aura pas porté chance une seconde fois à la vie politique malgache. En effet, alors que la Convention qui y a été signée avait enclenché la sortie de crise en 1991, celle de 2009 ne sera vraisemblablement qu’un coup d’épée dans l’eau. La Charte qui a été signée durant le week-end dernier a été guidée par deux principes fallacieux. Primo, renforcer de façon visible le front uni autour des dirigeants de la Transition, mis à mal par certaines rumeurs et anecdotes de dissensions internes. Secundo, forcer une solution malgacho-malgache, afin de pouvoir dire que les habitants de la Grande Ile n’ont pas besoin de la communauté internationale pour s’arranger entre eux.

Sur la base de deux objectifs aussi partisans, il ne pouvait en ressortir qu’une Convention bancale. Car en téléguidant l’organisation de ce conclave, la Haute autorité de la transition (HAT) voulait venir en position de force à la réunion de Maputo. Objectif : se prévaloir d’un consensus inclusif, et répondre ainsi sous un épais maquillage au principal critère demandé par la Communauté internationale. Soulignons toutefois que nous ne mettons pas en doute la bonne volonté de l'initiatrice de ce conclave, Monique Andréas Esoavelomandroso, femme de grande qualité et médiateur de la République. On soulignera qu’elle a été nommée à ce poste en Septembre 2008 par le régime Ravalomanana, tout en rappelant cependant qu’elle est l’épouse du Président national du Leader-Fanilo, parti pro-Transition de la première heure.

L'idée d'une solution Vita Malagasy était donc bonne. Mais le style grande braderie de Madagascar a pris le dessus. Comme d’habitude, c’est sans aucun doute la qualité discutable du sens patriotique au sein de notre classe politique qui est en cause. Au final, à quoi avons-nous droit : une Convention de protection sociale pour la Transition et ses dirigeants actuels, mais que les pro-Rajoelina et les pro-HAT veulent présenter comme réunissant l’essentiel des forces politiques de Madagascar. « Foutaises », dirait un de nos forumistes hyperactifs. Car la composition des signataires de la Charte ainsi que son contenu ressemblent à la rédaction du sujet de malgache au BEPC 2009 : conçue à la gloire de la Transition. Ni les pro-Ravalomanana, ni les pro-Ratsiraka, ni les pro-Zafy ne l’ont signée. La position du chirurgien sera d’ailleurs intéressante à savoir, car pour le courtiser, les participants au conclave de Panorama II ont inclut un Conseil de la réconciliation nationale, thème cher au Professeur Zafy, d’ailleurs sollicité pour en assurer la Présidence. On doute fort cependant que l’homme au chapeau de paille ira prostituer ses valeurs pour un poste, contrairement à d’autres que nous ne citerons pas, et qui passent allègrement d’un régime à l’autre, sans honte et sans peur.

Pas d'impact à Maputo

On doute donc que la Convention de Panorama II puisse être considérée comme un élément fondamental pour les discussions de Maputo. Au fond, ce n’est qu’une agitation supplémentaire des auteurs du coup d’État pour tenter de donner l'illusion d'une union nationale autour d’eux. Les médiateurs internationaux, mais aussi les autres mouvances risquent donc de ne pas en tenir compte. Si Albert Zafy peut éventuellement basculer pour les raisons évoquées précédemment, Didier Ratsiraka devra être séduit sur le plan du principe de l’amnistie. Cependant, on doute fort que l’officier, qui malgré ses nombreux défauts, a tout de même un certain sens de la grandeur de l’État, ne se commette à cautionner un putsch. Quant à Marc Ravalomanana, on imagine déjà ce qu’il aimerait dire aux rédacteurs de la Charte au sujet de ce document. Tsy faly aho, tena tsy faly aho. Et s’il a envie de faire quelque chose avec cette Convention, ce n’est certainement pas la signer.

La Convention de Panorama II ne va donc pas changer la donne à Maputo. Ce document n’a aucune crédibilité pour légitimer le pouvoir de transition, pas plus que les milliers de braillards sur la Place du 13 mai ne peuvent prétendre représenter le peuple malgache à eux tous seuls. Et cette Convention bidon ne peut donc être la clé d’une transition inclusive et consensuelle, dans la mesure où elle a été rédigée pour bétonner les sièges actuels d’Andry Rajoelina, Monja Roindefo et les membres de la HAT. Une fois encore, les dirigeants de la Transition pêchent par autisme, ce qui leur fait croire que leurs désirs sont des réalités.

Ceci étant dit, il y a un paramètre sur lequel la Convention de Panorama II va avoir un impact. Les pseudos nationalistes vont certainement chantonner que ce texte exprime la volonté des Malgaches, et que la Communauté internationale doit donc s’y soumettre. Dans la mesure où il y a très peu de chances que cela se passe ainsi, la non-prise en compte de ce texte va être présentée comme un affront envers la souveraineté des Malgaches. Ainsi, les thèmes pseudo-nationalistes à la limite de la xénophobie risquent de ressurgir. De plus, Maputo est ressenti de part et d’autre comme la rencontre de la dernière chance. Son échec va donc décourager les modérés et ouvrir encore plus grand les ailes des faucons et des vrais au sein de chaque camp. Selon un des analystes politiques que nous consultons souvent, c’est le principal risque qui peut surgir pour la stabilité à court terme du pays. Rêvons donc que nos quatre as, si as il y a, vont revenir à de meilleurs sentiments pour sauver encore ce qui peut l'être de cette économie qui agonise et de ce pays qui va à la dérive. Mais je l'avoue, je suis pessimiste quant à la capacité de la HAT de voir plus loin que le bout de son intérêt.

Quelle légitimité aux quatre mouvances ?

Tant au Carlton qu’à Maputo, la question de la représentativité des quatre mouvances est souvent posée pour critiquer les médiateurs internationaux. Pour notre part, nous considérons que c’est une idée tout à fait honorable, au moins pour deux raisons.

Primo, le Président Ratsiraka, le Président Zafy et le Président Ravalomanana ont tous trois été des Chefs d’État élus, et ont donc une légitimité que personne d’autre n’a, même si les conditions des élections et des réélections sont discutables. Quant à Monsieur Rajoelina, n’en déplaise à ses détracteurs, il est pour le moment assis à la tête de la structure qui fait fonctionner l’État, et il faut donc compter avec lui.

Secundo, en considérant que la crise de 2009 est le résultat d’une mauvaise sortie de crise de 2002, il est normal d’associer les parties prenantes à ces deux événements pour tenter de trouver une solution pérenne et se retrouver dans la même situation dans quelques années. Alors, bien entendu, on peut critiquer à l’infini la non-représentativité parfaite de ces quatre mouvance, et exiger que d’autres fassent leur entrée : Pierrot Rajaonarivelo, les prisonniers politiques, les écrevisses marbrées, les enfants de la Première République, les héritiers de la Seconde, les frustrés de la Troisième, l’association des 4’mi (1) ou les malades de la syphilis. Mais dans la mesure où aucun critère objectif ne permet de définir une mouvance de façon sérieuse, qu’on accepte de se tenir aux trois Présidents élus et à l’ex-DJ, pour éviter que cela ne devienne une boite de Pandore.

Des quatre chefs de mouvance, Marc Ravalomanana est loin d’être celui en position de force. La longue liste de ses abus, savamment vulgarisée par la HAT, est encore vivace dans les esprits et fragilise sa légitimité. Il ne doit sa présence qu’à la ténacité des médiateurs internationaux, car s’il n’en tenait qu’aux Présidents Ratsiraka et Zafy, ainsi qu’à M. Rajoelina, le Président Ravalomanana serait considéré comme quantité négligeable. Il a donc le plus à perdre dans un clash à Maputo, et devra subir le feu des rancœurs de ses prédécesseurs. Quant à son successeur, il sera en position de faiblesse par rapport aux trois autres qui n’ont pas beaucoup d’estime pour lui. Didier Ratsiraka lui n’a qu’un objectif : pouvoir revenir pour passer ses vieux jours au pays natal, même s’il n’a plus d’espoir pour un futur politique. Reste à savoir s’il va tenter de mettre en selle son poulain (on parle de Tantely Andrianarivo), voir sa pouliche (les regards se tournent alors avec moins d’enthousiasme vers sa fille cadette Sophie). Quant à Albert Zafy, seul véritable démocrate de cette bande, il serait sans doute le meilleur chef possible pour une transition. Mais force est de se demander si la classe politique recherche encore le meilleur, à force de provoquer le pire.

Entre parenthèses, je suis admiratif devant le petit coup du Premier ministre, qui est passé par un avis de la Haute cour constitutionnelle (HCC) pour éviter que son siège ne devienne éjectable. Dans chaque processus de résolution de crise, il y a souvent eu une volonté de sacrifier le Premier ministre au nom d'un partage de sièges plus équitable entre les tendances. En 2002, alors que des rumeurs de Gouvernement d'union entre MM. Ratsiraka et Ravalomanana transpiraient depuis la rencontre de Dakar, Jacques Sylla décida de prendre le Palais de Mahazoarivo d'assaut pour dire qu'il faudra compter avec lui, et ne pas s'attendre à le voir rendre son tablier, lui qui avait pris les risques au plus fort de la crise. Plus fin, Monja Roindefo a trouvé et obtenu la protection d'un avis de la HCC.

Depuis le début de cette crise, on assiste à des assauts durant lesquels c’est à qui fera le plus montre de juridisme. Et il est risible de voir certaines personnes attacher autant d’importance au respect de la loi et de la Constitution, après avoir foulée l'une avec force et violée l'autre avec allégresse. Car il est indéniable que si l’on appliquait contre les dirigeants de la Transition toutes les règles qu’ils clament à tous vents pour leurs actes depuis Janvier, il y en a beaucoup qui contempleraient la liberté à travers un carré de ciel bleu à Antanimora, ou à Tsiafahy. Que ce soit pour trouble à l’ordre public, atteinte à la sûreté de l’État, incitation à la désobéissance civile ou autres douceurs utilisées à tour de bras et sans beaucoup de discernement ni d'objectivité contre les légalistes. Mais il est vrai que dans les pays du Tiers-Monde, la Justice a souvent le bon sens de fricoter avec ceux qui ont les doigts sur la gâchette.

(1) authentique : cette association existe et son « Président » se trouve à Anosizato.
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article