Déjà qu'il n'y a pas d'huile de coude...

Publié le par Ny Marina

Ndimby A.
 
afficher les détails 19:31 (Il y a 20 heures)
 

Le coco et l'anus

 
 
A part ses médiateurs, empruntons aussi à l'Afrique sa sagesse. « Qui avale une noix de coco a confiance en son anus » enseigne un proverbe ivoirien. Car on ne va pas se voiler la face : Andry Rajoelina se trouve dans le pétrin. Nous n'irons pas jusqu'à écrire que c'est bien fait pour lui, même si nous ne sommes pas loin de penser qu'il a cherché ce qui est en train de lui arriver. Il a donc des difficultés majeures à digérer la noix de coco qu'il a choisi d'ingurgiter de son propre chef. Tant pis pour la santé de son tube digestif. Là où le bât blesse, c'est que c'est la population toute entière qui est en train d'avoir des problèmes gastriques à cause de lui.
Le combat pour la démocratie et les libertés publiques était le cheval de bataille enfourché par Andry Rajoelina pour séduire les aigris et les frustrés du régime Ravalomanana. La Haute autorité de transition (HAT) se singularise pourtant par une ambiance étrange. Les emprisonnements arbitraires d'opposants se multiplient, les rackets obligent à de fréquentes mises au point des institutions officielles concernées, le Syndicat de la magistrature s'interroge sur le fonctionnement de la Justice, la Place de la démocratie présentée en janvier comme un havre pour la liberté d'expression, et qui est plutôt un traquenard pour les opposants et les bouquinistes. Depuis le 17 mars, les intimidations et répressions à balles réelles se sont multipliées en dehors de toute zone rouge : à Ambohijatovo, à Anosy, à Antanimena, à Amparibe, etc. Le 19 mars, au lendemain du coup d’Etat, nous nous interrogions déjà : « Andry Rajoelina est donc redevable à deux groupes : le quatuor de journalistes qui a officié sur Radio Viva pour faire monter la pression et la gérer, et surtout les mutins dirigés par le CAPSAT. Question : est-il également prisonnier de ces relations coupables ? ».  

L'économie
est également mal en point, et le déclin semble inexorable. Et ce malgré les efforts des opérateurs économiques qui tentent de sauver les meubles en tentant des activités de relance, et des hommes politiques qui tentent de sauver la face en cachant l'amère pilule de la réalité. Inflation du prix des produits de première nécessité, menace de dégringolade de l'ariary, raréfaction des devises, hausse du chômage à cause des entreprises (et des projets de développement) en difficulté, pillage des ressources naturelles, gel de l'aide budgétaire et donc déséquilibre des comptes de l'Etat, sans oublier la perspective de plus en plus sombre pour les emplois dépendant des marchés de l'AGOA. Face à tous les révolutionnaires illuminés qui se réjouissaient d’avoir renversé Ravalomanana, nous écrivions le 6 avril  : « (…) pour les besogneux, les investisseurs et ceux qui essaient de gagner durement mais honnêtement leur vie, le réveil risque d’être difficile à l’heure du bilan économique, et la gueule va rester de bois pour un certain temps ».  

La stabilité de l'armée
prête à questionnements légitimes. Les lignes de fracture créées depuis la Seconde République par Ratsiraka, et renforcées par Ravalomanana, apparaissent de plus en plus difficiles à gérer. On a vu samedi dernier un militaire ivre tirer sur des manifestants désarmés. Les actes de délinquance et de banditisme sont en nombre croissant, et de temps à autre on s'aperçoit que des policiers ou des militaires sont complices, et que ce sont des armes de guerre qui sont utilisées. Les forces de l’ordre ont perdu de leur crédibilité, et pour le moment ne se sont illustrées que par des interventions dans le jeu politique sous forme de répression (de l’Emmo-Nat au FIS, en passant par l’Emmo-Reg). Les adjudants commandent aux généraux, les troufions bottent le derrière des colonels devant les caméras et les yeux complices des commandants. Un éditorial traitant des parallèles inquiétants entre la Guinée et Madagascar disait, le 4 mai : « Pour le moment, ce sont [les] faucons qui règnent à Ambohitsirohitra et sur la ville, ce qui tend même à confirmer que Andry Rajoelina pourrait n’être qu’un homme de paille sous leur contrôle ».

Le chantier de la politique intérieure
est quant à lui loin d'être triste. La mouvance Rajoelina se caractérise par un côté hétéroclite qui ne favorise ni l'intelligence collective, ni la discipline. Les pires ennemis des efforts d’Andry Rajoelina pour se donner un peu de crédibilité se trouvent donc dans son propre camp. Nous prévoyions dès le 19 mars que  « la plate-forme pour la transition vers la IVème République est un patchwork hétéroclite qui ne peut que voler en éclats, quand viendra la distribution des chaises. (…) Comment Andry Rajoelina va-t-il faire le grand écart entre ces 60 partis et associations politiques réunis au sein de la plateforme, qui ont chacun leurs objectifs et agenda propres ? (…) Cette coalition de façade va immanquablement s’effriter au fil du temps, comme le FNDR à la fin des années 90, les Forces vives de 1991 ou le KMMR de 2002. Quelle est la force politique et l’envergure de Andry Rajoelina face à tous ces politiciens professionnels et aguerris ? Car ce n’est pas tout que de réunir une minorité vociférante sur le 13 mai, obtenir l’appui de guérilleros et imposer sa volonté aux 18 millions de Malgaches ».  
Ce qui précède n'est que le condensé de ce qui a été écrit ici depuis plus d'un semestre. Le 24 avril, nous faisions part de nos craintes : « (…) les événements montrent qui ni Ravalomanana ni Rajoelina ne seront à la hauteur pour ramener le pays dans l’apaisement et le calme. Les fractures créées et les méthodes employées ne peuvent qu’animer une tectonique des plaques désastreuse et irréversible entre les deux blocs rivaux ». La communication est une question de répétition : hélas, certains comprennent peut-être vite, mais il faut, semble-t-il leur expliquer longtemps. Manoratra foana fa eh eh eh...

Errements diplomatiques

Après neuf mois de crise (depuis Janvier) et six mois de coup d'État (depuis Mars), l'épisode calamiteux des aventures de Rajoelina à l'Assemblée générale des Nations unies exacerbe sur la scène internationale les problèmes diplomatiques de la noix de coco de Rajoelina. L’épisode a au moins démontré ce que nous avions toujours dit : ce n'est pas l’ex-DJ qui va apprendre à la communauté internationale ce que sont les règles de droit international public et les principes de démocratie. Nous le mettions pourtant en garde dès le 20 mars  : « Andry Rajoelina est donc obligé de composer avec la communauté internationale, et devra se méfier de ses ailes extrémistes qui vont tenter de lui faire croire qu’il peut passer outre. (…) Ce n’est pas aux principes des relations internationales de s’adapter à  Andry Rajoelina, mais bien le contraire. Et contrairement aux ordonnances, ces principes ne peuvent bénéficier de l’appui des fusils du CAPSAT ».  
L’explication est en effet simple. Le 27 mars, nous soulignions que « les Etats ou les organisations internationales doivent rendre des comptes à leurs contribuables et à leurs contributeurs. (…) On ne peut donc décemment dire à la Communauté internationale d’apporter ses financements sans faire de remarques, sauf si on pouvait lui dire : Paye, et tais-toi ». Nous rajoutions le 22 juillet que « Depuis le 17 mars, on constate que la position internationale n’a pas bougé d’un iota vis-à-vis de la HAT, malgré les efforts hexagonaux et l’œuvre des griots, que ce soit dans les salons diplomatiques, les couloirs des organismes internationaux ou les forums internet. Les conseillers politiques de Andry Rajoelina (si conseillers il y a) rivalisent de bévues. Exemple : le fait de le pousser à poursuivre le bras de fer avec la communauté internationale, sous prétexte que celle-ci a également fait la mijaurée en 2002, avant de se déculotter devant Marc Ravalomanana ».

Les exemples pourraient être multipliés à l’infini. Certains des commentaires qui ont suivi ces articles permettent, avec le recul, d’éclater de rire. Car en toute humilité, votre serviteur n’a certainement pas toujours eu raison, mais au moins il est loin d’avoir toujours eu tort. Ce n'est pas tout que de vouloir se faire appeler Monsieur le Président. Encore faut-il en avoir la carrure, la stature, l'envergure et l'autorité. Pendant ce temps, Monja Roindefo tisse peu à peu sa toile pour s'arrimer de plus en plus à Mahazoarivo. Là encore nous pourrions trouver la situation cocasse, mais la situation est loin de prêter à l'humour. 

Aussi, que Monsieur Rajoelina le veuille ou non, le retour à la paix civile et la route vers la nécessaire reconnaissance internationale passent par un reformatage sévère de son entourage d’amateurs et d’incompétents, par une plus grande maturité en matière de gestion des affaires publiques, et par un respect de l’esprit et de la lettre des Accords de Maputo. Alors, la réunion à Antananarivo du Groupe international de contact le 6 octobre aura-t-elle ou non lieu, et si oui, avec quel état d'esprit Andry Rajoelina ira-t-il ? Sa déconvenue new-yorkaise le mûrira-t-il, ou au contraire va ouvrir un boulevard pour les extrémistes de son camp ?

Car pour le moment, c'est Rajoelina et ses partisans qui ont choisi d'avaler la noix de coco, mais ce sont les 18 millions de Malgaches qui pâtissent de cette voracité irréfléchie. Et ce n’est certainement pas en ouvrant des yeux exorbités que cela passera plus facilement. Quand certains se sont volontairement exposés à des problèmes gastriques en ayant voulu avoir les yeux plus gros que le ventre, c'est malheureusement tout le pays qui se retrouve dans la …
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