IL ÉTAIT UNE FOIS…

Publié le par Ny Marina

Le 10 juillet 2010

 

Il était une fois… Non, ce n’est pas un conte mais l’histoire. Arrivés sur le trône, les princes étaient autrefois dans une situation précaire, s’ils ne satisfaisaient pas aux désirs et souhaits de leurs sujets.

On se souvient toujours de l’un de ces rois d’Antananarivo qui avait été choisi et avait accepté de devenir mpanjaka avec les charges et des devoirs de toute sorte, qui avait sans doute sacrifié l’indispensable zébu, mais qui n’avait pas encore organisé la tout aussi indispensable circoncision septennale qui lui aurait donné des sujets qui n’auraient été qu’à lui et qui se seraient ajoutés aux sujets qu’il avait hérités de ses ancêtres. Mais Razakatsitakatrandriana décidait seul sans consulter les sujets de son entourage qui se résolurent à le congédier. Pour régler un problème qu’il avait inventé, Andriamampandry, un conseiller – d’ascendance zafimbazaha – un conseiller de son père l’amena à quitter le Rova et à aller vers le Nord – ce qui a dû rassurer le roi, car le Nord est l’orientation du pouvoir. Quand ils furent arrivés à Ambohimanoro, ils entendirent du Rova retentir la conque marine, l’antsiva royale. Andriamasinavalona y était entré et en avait pris possession. Razaka comprit qu’il était remplacé et partit en exil dans l’Ouest sakalave. Dès lors, de lui, on a dit qu’il n’avait régné ou gouverné qu’à moitié (nanjaka tapany¸ nitondra tapany).

Il est un autre roi, Radama ii, qui ne régna qu’à moitié (1861-1863). Lui non plus n’avait pas eu le temps d’organiser une circoncision septennale. L’aurait-il d’ailleurs fait s’il avait régné jusqu’à l’année du vendredi ? On en peut douter, car, entiché des quelques mauvais conseils de Jean Laborde et des bons pères qui avaient réussi à monter en Imerina sous Ranavalona ire, le jeune roi était déterminé à combattre la superstition. Il avait supprimé la fête nationale du Bain, décidé de faire la fête le jour de son anniversaire selon le calendrier grégorien et légalisé – jusqu’alors inconnu à Madagascar – le duel pour résoudre les conflits qu’auparavant traitaient les tribunaux. Le peuple comprit que ce roi avait perdu son ambiroa, son âme. Le peuple pensait et continue à penser que tout homme a une ambiroa qui, la nuit, peut s’en aller se promener. Or, s’il arrive que l’on réveille brusquement quelqu’un qui dort à un moment où son ambiroa l’a quitté, la personne devient comme sotte et stupide. Son entourage de gouvernants se résigna, quant à lui, à mettre fin à ses jours en ce bas monde. Ce qui fut fait dans les formes : d’un andriana, on ne faisait pas couler le sang (tsy alatsa-drà). On prenait un beau lamba de soie, un lamba landy de divine nature, dont on entourait son cou en serrant bien fort. N’importe qui ne pouvait mener à bien un tel geste ; ce ne pouvait être qu’un grand andriana ou un grand mainty du Palais. Ce fut fait par un grand Andriamasinavalona. Il fut aussitôt enterré et n’eut droit ni à une cérémonie ni à un deuil. Rasoherina qui lui succéda fit savoir au peuple malgache non qu’il avait tourné le dos (niamboho) mais simplement qu’il était parti (efa lasa). Dans le peuple, il en est qui ne crurent pas à son décès, mais pensèrent qu’il s’était réfugié dans l’Ouest sakalave. La majorité sut bien qu’il n’avait régné qu’à moitié.

 

L’on ne peut oublier l’histoire quand elle nous enseigne les petits faits vrais – petits faits vrais mais lourds de sens. Il en est de même des contes qui se souviennent des réussites et des erreurs des grands du passé pour donner de quoi penser à leurs successeurs et à leurs conseillers. Vous voudrez bien m’excuser, mais je ne résiste pas à la tentation de raconter deux contes concernant l’un de ces princes du passé qui ne sut pas écouter les Andriamampandry de son entourage et qui, comme Razakatsitakatrandriana, n’avait qu’un cœur pour le guider, alors que tout bon roi en a deux : le premier est à lui seul, le second lui permet de comprendre et le peuple et sa femme.

Il était donc une fois un Andriana qui n’avait qu’un cœur. Comme il était beaucoup occupé par ses affaires et les affaires de l’Etat, il lui arriva, faisant faire des travaux dans l’une de ses maisons, de charger sa femme de suivre les ouvriers. Mais comme il était le seul à qui il faisait confiance, il prit toutefois le temps d’aller vérifier l’avancement de ses projets. Il trouva un petit muret qui ne lui plaisait pas. Il demanda aux maçons, car il y avait déjà des maçons en ce temps-là – il demanda donc aux maçons la raison pour laquelle le muret fini avait cette forme qui lui déplaisait. Les maçons lui dirent que la reine ne leur avait fait aucune remarque. Le roi fit démolir le muret et, quand les ouvriers voulurent enlever le gravats, il le leur a interdit. C’était à la responsable de le faire. Et devant les ouvriers ahuris, ce fut donc la reine qui déblaya le chantier.

Il était encore une fois – c’est dans le même conte – cet Andriana qui avait un problème de cœur – c’est évident –, fit prendre un professeur chez lui dans sa campagne. Sa consultation finie, le cardiologue demanda que le chauffeur – c’était il y a bien longtemps, mais il y avait déjà des véhicules à moteur et des chauffeurs, car le filanjana n’était pas assez rapide –, il demanda que le chauffeur le reconduise dans sa campagne. Le tandapa responsable du véhicule à moteur était déjà parti pour une autre mission. Comme le professeur lui demandait de quoi payer un taxi, le roi lui dit : « Mais enfin, les professeurs ne savent-ils pas prendre le taxibe comme tout le monde ? »

Il était toujours une fois – cette fois, ma foi, c’est la dernière – où il fit appeler sa généraliste. Quand le préposé au véhicule à moteur vint la chercher chez elle dans les bas quartiers, elle devait s’habiller. Le chauffeur ne put attendre, car l’ordre reçu le lui interdisait. La docteure s’habilla et se rendit à pied chez son patient qui, dans son rouve, avait été obligé de patienter. L’ordonnance rédigée, le malade lui indiqua l’enveloppe que la reine avait préparée avec les honoraires. Elle lui dit qu’il y en avait trop et que, comme elle n’avait pas de monnaie, elle réglerait la chose avec la reine la prochaine fois. Le roi lui ordonna alors de prendre l’enveloppe, lui indiquant que c’était la dernière fois qu’il faisait appel à elle. Sans obtempérer à l’ordre, la docteure partit rejoindre sa maison dans les bas quartiers.

Arriva ce qui devait arriver : le peuple le congédia et, dit-on, lui aussi partit vers l’Ouest. On l’a cherché en pays sakalave, mais, dit-on, on ne l’y a pas trouvé.

Dans l’histoire, il aurait rejoint tous ceux qui n’avaient qu’un cœur et qui n’ont régné qu’à moitié. Mais ceci n’était qu’un conte. L’histoire se raconte le jour, alors que les contes le sont la nuit. Si vous avez lu ce texte en plein jour contrairement à ce que demande la tradition, oubliez vite ce que vous avez lu et recommencez votre lecture ce soir. Mais si vous appréciez tous les Rakotomaditra du passé, à vous de décider ce qu’il vous convient de faire.

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