Quelques jours après l’annonce ...

Publié le par Ny Marina

... des sanctions prises par l’Union africaine contre les apparatchiks du régime hâtif, qu’est-ce qui a changé ? Il faut bien l’avouer, rien ou pas grand-chose. Après les assises régionales et nationales ala-safay, le gouvernement d’union nationale ala-safay, voici les sanctions internationales ala-safay. Pour la culture, voici comment l’académicien Régis Rajemisa-Raoilison définit ala-safay dans son fameux Rakibolana malagasy : « fanaovan-javatra tsizarizary mba hisehoana ho nanao fotsiny ka hahafa-tsiny eo imason’ny olona ». Traduction imparfaite : acte bâclé, pour montrer qu’on a agi pour la forme, afin d’éviter les critiques d’une opinion qui n’aurait pas admis l’inaction. Conclusion : il est regrettable que la communauté internationale descende jouer avec la Haute autorité de transition (HAT) dans la division honneur, au lieu d’essayer de l’encourager à monter dans la Champions league.

Les sanctions de gel des avoirs et interdiction de voyager sont effectives, mais pour l’Afrique. Or je doute que ces personnes ciblées voyagent souvent dans le Continent noir, ou y aient des comptes en banque. Par conséquent, aucun impact de ces sanctions tant qu’elles n’atteindront pas l’Europe, l’Amérique ou l’Asie, où il est plus probable que les voyages soient plus fréquents et les billes mises de coté plus conséquentes. On apprend par exemple que le Ministre des sports Virapin Ramamonjisoa va aller rendre visite à Sepp Blatter à Zurich dans quelques jours. Comme quoi la décision africaine manque d’efficacité, et donc de crédibilité. Pour les hâtifs, la vie continue comme avant : tsy maninona io fa reveo… (ny bois de rose ve ho lany eo).

Il y a cependant deux hypothèses.

Primo, les sanctions décidées par l’Union africaine (UA) ne sont qu’une première étape, et elles risquent d’être étendues à d’autres continents, à commencer par l’Europe. La demande de l’UA auprès de l’ONU va d’ailleurs dans ce sens. Il faut cependant être pragmatique et réaliste. Toute sanction onusienne est décidée au niveau du Conseil de sécurité, au sein duquel la France a, au même titre que quatre autres pays, ce pouvoir archaïque qu’est le droit de veto. Et concernant plus particulièrement l’Europe, les sanctions ne peuvent être appliquées que s’il y a unanimité au sein de la Commission européenne, ce qui redonne encore une fois un pouvoir de blocage à la France. La seule inconnue réside dans le poids géopolitique de l’Union africaine au sein de l’ONU et face à l’Union européenne. Ces institutions vont-elles prendre le risque de se mettre à dos l’organisation continentale, juste pour sauver le soldat Andry ?

S
ecundo, les sanctions décidées par l’Union africaine (UA) ne sont qu’un coup de semonce, pour encourager les dirigeants de la HAT à quitter leur unilatéralisme de putschiste, et revenir à la table des négociations avant de passer à la menace d’une autre étape. Car même si le premier round de sanctions a un coté plus ridicule qu’efficace, l’UA et la SADC peuvent prendre d’autres mesures à vocation plus économiques, telles que l’interdiction de vols en provenance ou à destination de Madagascar de pénétrer dans leur espace aérien. Et là encore, même si cela sera catastrophique pour Air Madagascar, cela le sera également pour d’autres compagnie, à commencer par Air France (voire South African Airlink ou Air Mauritius). Et on revient donc encore une fois au rôle central de Paris dans l’effectivité des sanctions, car on doute que les dirigeants de l’UA osent titiller les intérêts économiques français. L’ombre des faux époux Turenge, agents des services secrets de l’Hexagone qui ont fait exploser le bateau de Greenpeace en Nouvelle Zélande, rappelle qu’il n’y a aucune cause respectable pour la France dès lors que ses intérêts sont en jeu, et qu’il faut donc se méfier d’elle.

Toutefois, ce coup de semonce est une arme à double tranchant, et son efficacité est aléatoire. Car n’oublions pas que le régime hâtif est né par les arguments de la force, et non par la force des arguments électoraux. Autrement dit, ses dirigeants ont plus de ressources dans l’utilisation des kalachnikovs que dans l’intelligence pour trouver comment convaincre le peuple, qui est loin d’être la foule du 13 mai. Il est donc possible que la HAT réagisse avec les seul moyens dont elle soit capable : la force, la violence, l’intimidation. Et comme de toutes apparences ce régime n’est guidé ni par le Père ni par le Saint-Esprit, il ne reste donc plus que le FIS pour agir.

Dans la mesure où l’Union africaine est géographiquement hors de portée, ce sont donc les Malgache qui persistent à refuser le coup d’Etat qui risquent de recevoir la vengeance de ceux qui tiennent quelquefois plus de la brute que de l’intello. Les jours qui suivent risquent donc d’être de sales quarts d’heure pour les dirigeants des trois mouvances ou les leaders du Hetsikin’ny mpitondra fivavahana. Et accessoirement pour les journalistes qui n’ont que faire des amitiés sonnantes et trébuchantes de l’impresario de service qui encourage à chanter les louanges de la star des platines. Mais outre les mandats d’arrêts et les interdictions de sortie de territoire dont ce régime s’est fait une spécialité, l’atmosphère risque d’être pesante dans les fokontany et les familles entre adversaires et supporters de la révolution orange. Quand on se rappelle du lundi noir et du samedi rouge, on sait de quoi ces derniers sont capables.

C
e qui ne tue pas rend (plus) fort ?

En d’autres termes, les sanctions africaines présentent le risque de braquer encore plus la HAT et ses griots, qui vont les ressentir comme une mesure vexatoire. Le danger de ces sanctions réside donc dans leurs effets pervers. Il faudra alors se méfier du retour de manivelle de la part d’un régime né par la force, qui a montré qu’il n’avait cure des règles et conventions internationales (qu’il s’agisse de démocratie ou d’exportation de bois précieux), et dont la dynamique des dirigeants tient beaucoup plus de l’intérêt supérieur de la Ration que de celui de la Nation. Il n’y a d’ailleurs qu’à entendre les premières réactions du clan hâtif, entre ceux qui affirment qu’il faut s’en prendre aux leaders des trois mouvances, ceux qui agitent les menaces contre ceux qui soutiennent ou approuvent les sanctions, ou même celui qui affirme que « ce qui ne tue pas rend fort ».

Cette dernière déclaration devrait recevoir l’award de la stupidité dans le contexte, au moins pour trois raisons. Primo, elle démontre l’inconscience de celui qui l’a prononcée, face à la gravité de la situation pour le peuple malgache, qui s’enfonce jour après jour dans un marasme socio-économique sans précédent. Secundo, tandis que certains continuent à dandiner leur popotin sur les tapis rouges en recevant les honneurs militaires, les entreprises ferment, les emplois se perdent, le banditisme est en croissance exacerbée et l’inflation est une réalité quotidienne. Alors peut-être que les sanctions ne « tuent » pas les personnes visées, mais pendant ce temps, c’est le peuple malgache qui meurt à petit feu. Tertio, cette déclaration semble inciter la communauté internationale à aller encore plus loin et plus fort dans l’extrémisme : si ce qui ne « tue » pas rend fort, faut-il alors s’arranger pour aller jusqu’à « tuer » (1) ?

Déclaration mitoamtsoam-poana qui ne concerne que les dirigeants de la HAT, car on ne voit pas comment la population malgache, déjà exsangue à cause de la crise politique, pourrait ressortir plus forte de cette situation alors que l’économie est tuée à petit feu. Il faut arrêter les sonneries avec un c sans cédille.

Le seul avantage des sanctions est qu’elle permettent à tous, anti et pro HAT, de se rendre compte que le bras de fer entre les auteurs de coup d’Etat et la communauté internationale a franchi un nouveau palier. Le Canada a été le premier pays à annoncer un écho positif à la décision de l’UA. Avant que la situation ne dégénère sur tous les plans, il faut donc que les diplomates reprennent la main, et que les rares modérés qui restent dans chaque camp aident à faire baisser la tension pour encourager les personnes concernées au retour au dialogue. Car personne ne pourra sortir vainqueur d’un enlisement de la situation. Puisse l’équinoxe d’automne renforcer les médiations souterraines actuellement en cours, à commencer par celle des porteurs de lumière.

 

(1) Verbe utilisé ici bien entendu dans le sens figuré.

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PS : je vous invite à passer sur le forum de l'article Triste anniversaire pour lire le post d'une personne signant zendana, mais dans laquelle il me semble reconnaitre la plume bien trempée d'un griot barbu d'un site pro-HAT. Ce post, qui répond à plusieurs forumistes, a été approuvé au nom de la démocratie et de la pluralité d'idées, car même s'il exprime des opinions dissonantes avec la majorité sur le forum, il ne transgresse pas les règles de bienséance. Je m'étonne seulement qu'il ne reste pas sur son portail de Madagascar, à moins que son seigneur et maître lui ait enjoint d'aller prêcher la bonne parole et évangéliser les légalistes. Et pourquoi n'ouvre-t-il pas un forum sur son site au lieu d'aller polluer chez les autres ?

Ndimby A.

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