La SADC n’a pas le monopole de la raison

Publié le par Ny Marina


 

La révolte dans le monde arabe est le reflet d’un mal de vivre que beaucoup d’autres peuples en Afrique ressentent dans leurs quotidiens.  Elle doit faire réfléchir tous régimes autoritaires et/ou illégitimes.  Face aux ras le bol des abus de pouvoirs, de la corruption, des atteintes aux droits de l’homme, de la mainmise sur les richesses du pays, le machiavélisme et la démagogie sont désormais d’aucun secours pour les autocrates et les apprentis sorciers. Là où l’injustice règne, la rue parlera. Merci aux blogueurs, aux utilisateurs de Twister et de Facebook, seul espace virtuel de liberté d’expression.

Devant les crises qui secouent bons nombres de pays en Afrique, force est de constater que la communauté internationale semble avoir du mal à coordonner ses actions pour contenir les humeurs volatiles des uns et des autres en vue de restaurer la sérénité et la paix civile. Est-ce par impotence face à la souveraineté nationale, argument brandi par les gouvernements aux abois pour justifier des actes barbares ou arbitraires contre leurs peuples, mais la communauté internationale semble de plus en plus faire preuve d’une inquiétante futilité dans ses résolutions. Et on est vite tenté de croire que contrairement aux préjugés, la communauté internationale, entité multiforme, peut se tromper dans ses analyses et appréciations de la situation dans les pays en crise.  Sur le cas malgache, la médiation de la SADC fait montre d’une curieuse myopie.  La feuille de route révisée qu’elle propose aux « lideres politiques » s’éloigne des recommandations des pays partenaires de Madagascar. La France a émis des suggestions pertinentes pour un « accompagnement conditionné d’une transition malgache », suggestions appuyées par la COI (Note du 03 novembre 2010) et par les Etats Unis dans la mise en œuvre d’une « solution acceptable ». La feuille de route proposée par la SADC au nom de la communauté internationale fait fi de ces recommandations.

Premièrement, l’obsession pour l’organisation d’élections pour en finir avec la crise à Madagascar est une dangereuse naïveté. Alors que les conditions pour l’organisation de scrutins libres, transparents, crédibles, sont loin d’être remplies, la feuille de route dont les parties politiques aux pouvoirs se pressent de valider, prévoit d’organiser « l’ensemble des élections » dans un délai de 7 mois (01 mai à novembre 2011). Personne n’est dupe sur le réalisme d’un tel calendrier à grande vitesse. Une élection aussi bien organisée soit-elle, peut clarifier un contexte politique en dégageant une majorité d’opinion nécessaire pour légitimer des actions publiques. Mais elle n’est pas pour autant une finalité, même pour une transition.  Une élection ne marque pas la fin d’une transition et encore moins la fin d’une crise.  Tout au plus si elle ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire d’un pays avec un contexte politique différent. Par ailleurs, les élections ne sont pas sans risque qu’en à la fiabilité des résultats.  La Côte d’Ivoire en est un exemple.

Deuxièmement, la feuille de route n’évoque pas la non candidature à une élection présidentielle des dirigeants de la Transition.  Il s’agit pourtant de la première condition de la COI, de la France, et des Etats Unis avant une reconnaissance. La neutralité du processus ne peut être garantie si les dirigeants d’une transition sont juges et parties. Lors de la transition de 1972, le Général Ramanantsoa s’est vu confier des pouvoirs exceptionnels qu’il a consolidés lors d’un plébiscite pour 5 ans de transition et n’avait pas une ambition présidentielle. Sans cette condition de non candidature, les dés sont pipés, rendant impossible l’instauration d’un climat de confiance et de sérénité.

Troisièmement, la feuille de route ridiculise la société civile dont le rôle est réduit à une responsabilité incongrue de « suivi et contrôle » du processus.  Bien que la société civile n’ait pas été à la hauteur de la mission de facilitation, l’implication du CNOSC reste importante au nom de l’appropriation citoyenne du processus de retour à la paix civile.  Dans la feuille de route de la SADC, la société civile est simple observateur (observation des élections) et non acteur dans le processus.  Un tel cynisme brave les principes de la bonne gouvernance et de la démocratie participative et fera perdurer la crise sociale et morale.  La mainmise sur le processus de résolution de la crise par les seuls « acteurs politiques » est une grave erreur dès départ.  La feuille de route de la SADC l’aggrave.

Quatrièmement, M. Chissano propose une nouvelle forme d’autocratie pour en finir avec la transition ; un pouvoir sans réel contrôle. Comment peut-on accepter que le CST et le Congrès ne puissent pas censurer l’Exécutif ou destituer le président de la Transition, alors qu’ils sont chargés du « contrôle » des actes de celui-ci ? Mais de qui se moque-t-on ?

Le concours de la communauté internationale est, certes, indispensable pour instaurer un climat d’apaisement.  Pour cela, le processus de transition doit être le plus neutre et le plus ouvert possible : principe que M. Chissano rappelle dans sa lettre aux « lideres politiques ».  Ainsi, aucun groupe d’acteurs ne doit être marginalisé ou plus favorisé que d’autres. L’allégorie de l’Arche de Noé n’est d’ailleurs pas la réponse à la crise malgache.  Il ne s’agit ni de trier les acteurs politiques entre signataires et non signataires d’une feuille de route, ni de jeter des bouées de sauvetage aux « naufragés » de la Transition.  Bien au contraire, il faut donner à chacun une chance égale.  Que tous soient au même pied d’égalité sur leurs starting blocks. La feuille de route dans sa version révisée dénature ce principe de neutralité d’un processus de transition.

Les multiples chocs que le monde du 21ème siècle continue de subir sans répit, exigent des réponses appropriées de la part de la communauté internationale.  La SADC, dans sa mission de médiation dans la crise malgache, doit donner l’exemple en s’adaptant au « nouveau système plus démocratique des relations internationales. Au premier plan duquel le besoin de la recherche solidaire des réponses aux défis et menaces globales, … », (Communiqué de l’Ambassadeur de Russie). Le médiateur de la SADC devrait tenir compte des recommandations des partenaires de Madagascar.  Aucun acteur, national ou international, ne peut s’arroger le monopole de la résolution de la crise malgache. La SADC rendra un grand service aux générations futures en évitant d’imposer une vision erronée de la résolution de la crise malgache.  Elle doit tenir compte des recommandations de la France et les Etats-Unis.  C’est aussi cela l’inclusivité.  Si ce n’est pas le cas, la révolte en Afrique du Nord continuera à faire des émules.

 

Richard J. Randriamandrato

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