en marge, pour une meilleure vision

Publié le par Ny Marina

LA PAUVRETE LANGAGIERE

Comprenons tout de suite qu’il ne s’agit pas de science linguistique, mais de maîtrise du langage. La lecture de la presse nous y invite.

Le père Pedro, écrit Madagascar-Tribune ce jeudi 29 janvier 2009, continue « son combat contre la pauvreté intellectuelle qui a fait défaut à tous les protagonistes ces dernières semaines ». Quoique je veuille prétendre à être un francophone de haut niveau, j’ai compris le contraire de ce que disait le texte. C’est qu’en plus de comprendre le français, je comprends aussi le francofonique. En effet, Tribune dit en français strict le contraire de ce qu’il voulait signifier. Ce n’est pas la pauvreté intellectuelle « qui a fait défaut à tous les protagonistes ces dernières semaines », mais bien le contraire, ce que l’on peut simplement appeler la « richesse intellectuelle ».

Le journal nous offre un bel exemple de cette pauvreté de l’esprit qui est d’abord une pauvreté du langage. Quand on ne parle pas bien une langue — et dans notre cas, on doit dire quand on ne parle pas parfaitement au moins deux langues, le malgache et le français —, on est certain qu’on ne saurait être a priori un bon et fin politique, ni, comme dans le cas présent, un bon et fin journaliste. Et que l’on ne saurait bien agir et effectivement construire un avenir durable que dans des équipes, tant en politique que dans les médias, maîtrisant parfaitement les deux langues.

Le rappel que le journaliste fait du combat du père Pedro pose le problème de la culture de gouvernement de nos hommes et femmes politiques. Il n’y a pas d’option « culture de gouvernement » dans notre enseignement républicain, tout comme il n’y en avait pas dans l’enseignement de l’époque coloniale. Traditionnellement, la culture de gouvernement se transmettait – se transmet toujours – dans les familles et les milieux qui ont exercé ces fonctions. A Madagascar, la culture de gouvernement se transmettait autrefois dans les familles régnantes et les familles des grands serviteurs de l’Etat. Ces gens du Palais, les Tandapa comprenant au 19e siècle surtout des Mainty enin-dreny, faisaient l’éducation des jeunes Zanak’Andriana qui leur étaient confiés et dont ils étaient les mpitaiza selon la dénomination de l’époque. La jeune Moma , future Ranavalona ii, fit ainsi perdre (nahavery anarana) à ses précepteurs leurs noms ; à ma connaissance, ils ne sont plus connus aujourd’hui que sous les noms de Rainimoma et Renimoma..

A notre époque, la pauvreté intellectuelle provient aussi d’une mauvaise compréhension de l’utopie républicaine : plus que nombreux sont ceux qui pensent pouvoir exercer des fonctions politiques et ne possèdent pas cette maîtrise des langues qui doit être la base de leur maîtrise du pouvoir. Et ceux qui, par le choix que des administrateurs coloniaux firent d’eux ou de leurs parents, ou par le seul hasard des circonstances sont, à un moment ou à un autre, arrivés à un poste ministériel, s’estiment posséder un irrépréhensible droit à gouverner le pays. Malheureusement, ils envisagent souvent moins de servir le bien public que leurs petits intérêts. Il faudrait, dans nos Epp, mettre au programme de morale l’étude et la réflexion sur cette belle devise des Compagnons du Devoir que je ne résiste pas de rappeler : « Ni se servir, ni asservir, mais servir ». La bien comprendre impose non seulement une bonne connaissance de la langue qui distingue bien les sens respectifs de chacun des mots, mais aussi une bonne conscience de ce qu’est le bien public et, sans démagogie, le service que tout Grand responsable doit à son pays et à son peuple.

 

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