L’ALLIANCE DE LA KALACH ET DU GOUPILLON ?

Publié le par Ny Marina

Le 22 juillet 2009

 

L’ALLIANCE DE LA KALACH ET DU GOUPILLON ?

 

Avec l’abominable présidence de Mgr Odon Marie Arsène Razanakolona – maintenant souvent désigné par ses initiales : Mgr Omar –, il semble bien évident que la Ffkm soit aujourd’hui agonisante, voire défunte, et tout aussi agonisant, voire défunt l’œcuménisme à Madagascar. C’est l’échec d’un demi-siècle d’efforts, de discussions et de réflexions dans lesquels s’étaient investis des religieux catholiques et protestants. Parmi ces derniers, je rappellerai, souvent oubliés, les pasteurs Daniel Ralibera, qui fut l’un des grands intellectuels de l’Eglise réformée, et Lucien Peyrot.

Je dirai quelques mots de ce dernier, plus facilement oublié parce que vazaha. Lucien Peyrot fut un grand théologien pour qui l’expérience malgache avait été déterminante. Son père, pasteur originaire de la région à tradition vaudoise du Val de Suse et du Queyras, fut lui aussi missionnaire à Madagascar. A la fin de ses études, alors qu’il lui était offert le début d’une belle carrière dans l’Erf avec la paroisse de la rue Cortambert dans le 16e à Paris, Lucien Peyrot avait préféré revenir, pour s’occuper du foyer des jeunes d’Antsahamanitra, au pays de son enfance qu’il avait passée à Fihaonana dans le Vonizongo et où il aurait aimé avoir sa dernière demeure. Il racontait que, dans son enfance, quand les pasteurs malgaches avaient été autorisés à donner le baptême, ils le faisaient avec la formule : « Je te baptise au nom du Père, du Fils, du Saint-Esprit et du missionnaire » ! Ce fut dans les années 60 et 70, le beau temps de l’œcuménisme des petites réunions à Antanimena, alors même que la Ffkm n’était pas encore née. Ces années furent celles d’une Ffkm virtuelle mais théologiquement militante. Nous en sommes loin.

*

« A la Pentecôte, le FFKM ressuscite », a cru pouvoir annoncer un des sites de la Toile. C’était après deux mois de silence. A lire la déclaration de la confédération œcuménique, on a l’impression qu’il s’agit moins d’une résurrection que d’une tentative de réanimation dans une des salles de l’hôpital des religions.

On remarque d’abord que le « Message de Pentecôte » fut signé par Mgr Razanakolona, président tournant de la Ffkm et chef de l’Eglise catholique, et par le docteur Endor Modeste Rakoto, chef de l’Eglise anglicane. Pour les deux autres Eglises institutionnelles, les chefs d’Eglise s’étaient fait représenter. Du message, nous retiendrons qu’il fait appel au patriotisme et souhaite la réconciliation. «Nous exhortons les chrétiens et la population à donner de l'importance à la prise de conscience et à la solidarité : une solidarité sans exclusion». Ce n’est pas nouveau et ça ne nous apprend rien d’important, sauf peut-être le « sans exclusion », qui reprend un mot récurrent du langage des négociations : « inclusif ».

Nous retiendrons surtout cette autre phrase : « Il faut que nous mettions de côté notre orgueil et rester unis pour développer notre patrie », dont on se demande s’il n’est qu’un conseil moral donné aux dirigeants et aux activistes ou s’il n’est pas aussi l’autocritique des grands responsables qui ont signé le message.

*

Dans les petites nouvelles du monde religieux, on a appris tardivement que Sylvain Urfer, le « Dada » d’Omar, était de retour. On ne voit pas que la part qu’il prenait au changement malgache et qu’il annonçait mondialement sur Rfi à la mi-février, ait apporté quelque progrès à la solution de la crise malgache. Il était arrivé le 3 juin pour un séjour de deux semaines. Il est reparti le 20 juillet.

La grande affaire de ces derniers temps, c’est Mgr Félix Ramananarivo, évêque d’Antsirabe, qui en est le centre. Je l’ai déjà signalée et elle continue à préoccuper un certain nombre de catholiques engagés dans le débat politique. On se souvient que, lors de la clôture des Assises régionales du Vakinankaratra, Mgr Félix s’était agenouillé devant Rajoelina pour son allocution et que finalement, il l’avait béni. Ce qui avait fait la joie des Hâtifs et Radzouëliens. Cet événement avait horrifié certains des militants catholiques d’Antsirabe et d’Antananarivo. Peut-être aussi dans d’autres régions, je ne sais, car je ne cite que celles de mes relations avec qui j’en ai parlé. Sans vraiment le comprendre, certains de mes amis essayaient de se persuader que, devant Rajoelina, il aurait implicitement montré par l’exemple que «Le Fils de l’homme n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir lui même et donner sa vie en rançon pour la multitude».

Je vais reprendre ici le récit qui me fut fait il y a peu par une personne qui ressentait une grande amertume et une totale incompréhension devant les fait relatés :

« Le samedi 4 Juillet s’est déroulé à Antsirabe une cérémonie de clôture des assises régionales du Vakinankaratra, qui se sont tenues au prestigieux Hôtel des Thermes, un hôtel qui a hébergé un roi du Maroc en exil pendant la colonisation [il s’agit du Sultan du Maroc, qui devint ensuite le roi Mohamed v]. Le président de la Hat était présent à cette cérémonie. L’évêque d’Antsirabe, Mgr Ramananarivo Félix, qui avait participé aux assises, était au rendez-vous pour la clôture. En tant que personnalité représentant l’Eglise catholique, il était assis sur le podium où était aussi le président de la Hat. Les discours se succédaient devant une foule, dont la plupart étaient des visages nouveaux à la ville d’Antsirabe. Peut-être venaient-ils des environs de la Région de Vakinankaratra ?

« Brusquement l’attitude de l’évêque eut plus d’effet que les paroles qu’il allait prononcer, car voir un évêque qui s’agenouille devant le président de la Hat, en prenant la foule à témoin, est une scène inhabituelle et imprévisible, en tout temps et en tout lieu ! Qu’est-ce que c’est ? Que fait-il ? Et que dit-il ?… Vérifions les faits. La radio salésienne d’Antsirabe a diffusé ce discours intégralement, afin de renforcer ce qu’il voulait clamer haut et fort. Après s’être présenté comme messager du Christ et représentant de l’Eglise, Mgr Félix s’est agenouillé en accompagnant son agenouillement à la parole "Handohalika aho…", ce qui lui a valu un applaudissement… Les salutations qu’il adressait au président de la Hat commençaient par le dicton : "Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années" ! Ensuite, il a énuméré les présidents qui se sont succédés depuis la première république en mettant en évidence les défaillances de leurs régimes, jusqu’au régime précédent de Marc Ravalomanana soutenu par la Ffkm. Il a souhaité en tant que représentant et messager du Christ que réapparaisse le vrai profil malgache dans le nouvel ordre social voulu par la Hat, sur trois points précis qui permettront de retrouver la fierté d’être citoyens de Madagascar :

— "manaja an’Andriamanitra sy ny Razana" (respect de Dieu et des ancêtres défunts),

— Malgaches au service des autres, mais non qui se servent.(Malagasy manompo ny hafa fa tsy ho tompoina),

— La signification de patrie et matrie (Malagasy monina eto amin’ny tanindrazana)

« Et pour terminer son allocution, proclamée haut et fort, l’évêque a béni le président de la Hat et son gouvernement en terminant par : "Mahaleova, mahalasana !" toujours à genoux ».

Mgr Félix a confirmé ses propos par la suite. Comme si cela devenait une obsession, il a encore chanté les louanges de la Hat et de la future IVe République – « de manière saugrenue », m’a-t-on dit – à l'occasion d'une cérémonie d'ordinations sacerdotales qui eut lieu à Betafo. Puis encore lors d’un anniversaire des Clarisses. Il s’agit donc bien visiblement d’une prise de position politique dans la crise malgache.

*

Le 4 juillet, que signifiaient les applaudissements ? Etait-ce pour la satisfaction de voir l’Eglise ne plus intervenir dans la gestion politique de la société malgache et, à la fois, de la voir se soumettre aux désirs de la classe au pouvoir ? Parmi ceux qui n’applaudirent pas, il en est qui se sont interrogés sur la santé mentale d’un homme réputé pour son indépendance – d’un homme aussi qui s’était démarqué de l’archevêque au moment du 17 mars. Un de mes amis jésuites – nous nous connaissons depuis cinquante ans, m’a-t-il rappelé – qui le connaît depuis aussi longtemps, aurait-il raison quand il affirme qu’il est malade du pouvoir depuis qu’il est devenu évêque.

Je ne suis ni dans le secret des dieux, ni dans celui des crosses et des mitres, mais l’on peut essayer de comprendre l’événement dans le cadre de l’évolution actuelle du Vatican. Atteint par la limite d’âge, Mgr Félix avait posé une démission qui a été tout de suite acceptée par Rome. Et le Nonce en lui remettant l’accord du Vatican, lui aurait donné un bon coup de crosse. L’évêque rentrerait dans le rang. Mais quel rang ?

*

Si se confirmait le retour vers l’Eglise traditionnelle qui fut définie par le Concile de Trente – disons simplement une évolution réactionnaire –, on risquerait à Madagascar non plus l’union du sabre et du goupillon, mais celle de la kalachnikov et du goupillon.

Définie au 16e siècle par opposition à la Réforme protestante, l’Eglise catholique des temps modernes a innové au 19e siècle en condamnant toute forme de modernisme, notamment avec le Syllabus de 1864 ou Recueil renfermant les principales erreurs de notre temps… Avec le concile de Vatican II (1962-1965) convoqué par Jean xxiii, clos par Paul vi et appliqué par Jean-Paul ii, l’Eglise s’ouvrit au monde moderne. Jusqu’alors, il y a encore un demi-siècle, un père dominicain pouvait être un excellent géologue et publier des livres où il faisait l’histoire de la terre et parlait en millions d’années. Les hiérarchies le laissaient faire, mais ses publications n’obtenaient pas l’indispensable imprimatur et il ne pouvait pas afficher son appartenance à l’Ordre de Saint Dominique. L’Eglise considérait encore que le monde avait été créé il y a un peu plus de 3.500 ans – ce que croient toujours les adventistes aujourd’hui – et ne pouvait officiellement admettre les datations des ères géologiques.

Mais l’histoire récente montre la résurgence dans certains domaines des idées anciennes. Les défenseurs d’une tradition dure à l’ancienne à laquelle le pape semble très sensible, voudraient remettre en cause les acquis essentiel du dernier Concile et notamment réintégrer dans l’Eglise les intégristes. Vatican II avait donné beaucoup de pouvoirs aux évêques et la restauration de la hiérarchie peut devenir un des lieux du combat interne.

A Madagascar, face au protestant Ravalomanana, notre Grand Fat a pu convaincre Odon, le Nonce et, derrière eux, le Vatican. Il prêchait à des convaincus. Pour la Communauté internationale, c’est une autre paire de manches. Mais on sait aujourd’hui avec une enquête de l’Unicef auprès de jeunes d’Antananarivo – et au moins ceux d’un établissement catholique –, des jeunes qui ont participé aux incendies, aux pillages et aux violences, qu’ils ne sont plus capables de discerner le bien du mal. L’avenir en milieu urbain pour les soixante prochaines années s’annoncent sous de mauvais augures. Les Eglises peuvent-elles soutenir le Grand Fat et les mutins à kalachnikov qui l’ont mis en place ? Ce serait regrettable.

Aux funérailles du Cardinal Margeot à Maurice, Omar ou Odon a eu un malaise. Un journaliste l’explique par une forme d’hypoglycémie – ce qui est douteux, quand on vit dans les ors de l’Eglise. Selon le site moov.mg forum, il aurait eu ce malaise, lorsque l'évêque de Maurice a parlé du sens de la démocratie du défunt... Est-ce un signe du ciel ? Ou le remord devant les désastres qu’ont provoqué l’orgueil et la désunion ?

*

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article