CLOCHEMERLE À ANTANANARIVO

Publié le par Ny Marina

Le 13 novembre 2009

  

Antananarivo vit en ce moment à l’heure de Clochemerle avec des déclarations publiques que tout le monde entend, sans pouvoir toujours en comprendre le pourquoi, et des potins – je suis tenté par une forme à la malgache de « potinpotins » – qui alimentent les débats dans les couloirs et sur les trottoirs.

 

La déclaration publique qui a fait trembler tous les négociateurs à Addis-Abeba, est celle du plus jeune président non élu du monde qui, le 6 octobre, fut répercutée sur tous les médias : «Je pars, je pars ! S'ils ne veulent pas de ma présidence, je pars. Mais ils en seront les responsables», a-t-il clamé en quittant la salle « au pas de course » avec toute sa délégation ! Après la honte du discours avorté à l’Onu – mais les transitionistes en ont rejeté la faute sur la Sadc –, à Addis-Abeba, seul Rajoelina était responsable : il fut contraint de présenter ses excuses à Joaquin Chissano. Beau résultat !

La faute était si évidente et si colérique que Albert Zafy retrouva son rôle de ray aman-dreny, en oublia sur Rfi toute diplomatie et fit du gamin un rapide portrait sans concession dont il faut se souvenir, car il ne présage pas un avenir serein. «Diriger un pays, ce n’est pas comme ça… C’est un tort énorme, énorme, ça lui coûtera très cher… Il est le plus jeune, il ne respecte pas les vieux. Il y a quand même le respect de l’âge… Je dis carrément, moi, que quelqu’un qui n’est pas droit, qui n’est pas honnête, ce n’est pas possible. Actuellement, on souffre. Mais son comportement n’est pas très malgache… Ce qu’il a fait aujourd’hui, c’est une honte pour les Malgaches. C’est une honte pour quelqu’un qui prétend diriger le pays… Il n’a quand même pas dix ans ».

Avenir d’autant moins prévisible si l’on y ajoute cette information venue du Quai d’Orsay. Je ne dirai rien de la déclaration de Bernard Kouchner qui est de notoriété publique et qui montre qu’il est entré lui aussi dans la logique de la tradition coloniale. Je pense à cet agent du ministère qui recevait Rajoelina au Quai et devant qui le visiteur a piqué une crise mystique : le Christ lui parlait ! Rappelons que si le Cardinal l’a marié, lui et Mialy, à la cathédrale d’Andohalo, ce fut, semble-t-il, du bout des doigts. Rappelons aussi que, si leurs enfants suivent l’école du dimanche de la paroisse internationale d’Andohalo, ancienne Erf, le couple et leurs familles fréquenteraient plutôt et les adventistes et des sortes d’évangélistes.

Cela n’explique pas la sortie « au pas de course » de la réunion d’Addis-Abeba. La raison en est toutefois parfaitement claire. Ravalomanana contestait à Rajoelina la présidence de la Transition (PT) et avait proposé pour ce poste Raymond Ranjeva. Le danger pour le jeune Dj était grand, étant donné la qualité de la personnalité proposée. Pour ceux qui ne le sauraient pas, Ranjeva est agrégé de droit – il n’y en pas beaucoup à Madagascar –, ancien professeur à l’Université dont il fut aussi le recteur et, précédemment, juge à la Cour Internationale de Justice de La Haye pendant dix-huit ans. Homme de haute qualité intellectuelle et morale, il n’a trempé dans aucune des magouilles politiques du passé, et reste, sans aucun doute ni aucune hésitation, toujours prêt à servir la nation et le peuple malgache. Mais reste aussi, avec son aura, un juriste qui n’est pas prêt à couvrir les magouilles prévisibles du temps présent et à ternir l’honneur de toute une vie et de toute une famille, la petite et la grande. Le danger était si grand que le gamin a fait sa crise d’infantilisme et a été suivi par tous ses complices tgvistes.

Comme des membres de l’épiscopat, les chancelleries se sont depuis beaucoup agité pour lui trouver une place parmi les postes qu’offre la Transition. Je crains fort qu’elles ne se heurtent à une fin de non-recevoir, et que l’homme ne veuille pas servir de roue de secours et d’extincteur d’incendie accroché dans les couloirs d’Ambohitsorohitra, alors que ce qu’il y faudrait c’est un bon calibre et un bon chasseur de crocodiles. Mille excuses pour le WWF, mais la prolifération exigerait que des mesures urgentes soient prises en la matière.

 

Autre nouvelle de notoriété publique grâce à la télévision, Jean-Marc Chataignier essaie de trouver solution à ses problèmes. Il est très rapidement devenu ambassadeur de France à Madagascar quand, après être passé au ministère des affaires étrangères, il s’est précipité à Iavoloha présenter ses lettres de créance au gamin. Il y a été reçu par le secrétaire général de la présidence – ça me gêne encore de mettre une majuscule au mot –, est passé devant les troupes et fut introduit dans le Palais par Zazah Ramandimbiarison qui, pour rappeler au Français qu’il était bien en terre malgache, n’était pas en costard mais portait lamba et chapeau. Chataignier a sans doute compris que l’on peut accepter, voire même souhaiter, la protection de la marâtre sans avoir à renier sa malgachité.

Puis il est parti rendre une visite de courtoisie à Fetison, co-président dans le triumvirat. Il y fut également reçu. Mais les mauvaises langues rappellent à qui veut bien l’entendre que les contacts avaient auparavant manqué de courtoisie. Récemment, Fetison se serait rendu chez Chataignier et celui-ci lui aurait diplomatiquement enjoint d’accepter le gamin comme PT. A quoi Fetison lui aurait rétorqué : « Vous n’êtes pas Gouverneur Général de Madagascar ». Son hôte lui aurait alors ordonné avec fracas de « sortir » ! Un autre ambassadeur important de la communauté internationale estime que l’Ambassadeur de France « est en train d’accumuler toutes les rancœurs des Malgaches ».

Autre nuage dans ce petit village, la position de la Chine. L’Ambassadeur de Chine a rendu visite non au gamin mais à Fetison. L’on a appris que son gouvernement est prêt à investir quatre milliards de dollars. La somme est énorme. On comprend que Chataignier veuille tout faire pour préserver les investissements privés français dans la Grande Île. Mais aura-t-elle les moyens de rester dans la compétition, alors qu’elle ne sait pas rester dans les coulisses ? Manquant d’invisibilité, Chataignier n’en a pas fini avec ses problèmes. D’autant plus que l’on ne sait pas très bien qui pilote la politique française, alors que l’Elysée reçoit des interventions de très hautes personnalités, comme le Primat des Gaules, qui rectifient la désinformation dont Omar et ses comparses de la mouvance jésuite, dernièrement avec sa revue Etudes, ont abreuvé la communication catholique.

 

Venons-en maintenant avec les potinpotins de la mouvance d’Antanimena, confortée par la mise définitive au placard de Mgr Félix dorénavant en maison de retraite. On y apprend ce qui pourrait être des secrets de confessionnal. Dans ce milieu canoniquement occidentalisé, on sait ce que veut dire « Bon sang ne saurait mentir ». Et l’on se demande de qui le gamin est le fils. « Fils de… » ou « fille de… », l’un de nos meilleurs éditorialistes a il y a peu attiré l’attention de ses lecteurs sur le phénomène. De qui le gamin serait-il le fils ? Dans la cour de l’épiscopat, l’un de ces spécialistes du droit canon nous apprend que le gamin serait un « bâtard de Ravalo » ! Voilà du nouveau qui nous change avec cette histoire d’amour et de projet de mariage avorté entre le gamin et une autre gamine !

Dès lors, les conversations vont bon train. Le gamin serait né à Besarety. Pour sa mère, on cite une Lafougère, « Arema jusqu’à la racine des cheveux », une Lalatiana avec des histoires complexes d’adoption auxquelles je ne comprends rien. Ou encore le « bâtard d’un Rabetafika » ! Je me demande juste si, comme il n’y a pas de cigognes à Madagascar, il ne serait pas simplement né dans un chou. Et pas un chou de Chine à constater la démarche de l’Ambassadeur de ce pays.

Et une fois lancées les histoires de fesses, personne hors mouvance Ravalomanana n’oublie d’en rajouter sur l’ancien Président avec même des escapades libertines à Maurice ou encore l’épouse d’un Premier Ministre… Et j’en oublie, tellement ça me casse les… excusez-moi, je risque de devenir grossier. On retrouve ici l’une des obsessions de la hiérarchie et d’une bonne partie du clergé romain qui veut régler, organiser et contrôler la sexualité du peuple chrétien selon les manuels rédigés pour les prêtres qui devaient le confesser. Une littérature qui a pu parfois donner des idées à ce clergé, comme nous le signifient différentes affaires judiciaires.

Permettez-moi d’abandonner ce village de Clochemerle à son triste sort. D’ailleurs, il va bientôt retrouver son curé attitré, puisque Sylvain Urfer sera sous peu de retour.

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