Des vertus de la manne chinoise...

Publié le par Ny Marina

La Haute autorité de transition (HAT) s’apprête à boire de façon goulue la manne chinoise. On ne sait trop si celle-ci a vertu de potion magique ou de concentré de vitamines, mais en tous cas elle rebooste le pouvoir hâtif qui se sent pousser des ailes. On le serait à moins : les 100 millions de dollars à verser par les chinois de Wisco pour les droits d’exploitation du gisement de fer de Soalala donnent à Andry Rajoelina un certain confort pour mener sa feuille de route, sans se soucier de reconnaissance internationale pendant un certain temps. Sauf s’il souhaite aller dandiner son ego à tout prix à Paris le 14 juillet, ou prononcer un discours lors de la session de l’Assemblée générale de l’ONU en Septembre, dans des conditions moins rocambolesques que celles qu'il a amplement méritées de l’année dernière. Mais sur le plan des finances, grâce aux chinois, il a de quoi voir venir. En gobant cette bouffée d’oxygène pour ses finances, la HAT rend inutile pendant un certain moment l’aide budgétaire. Mais combien de temps ?


100 millions de dollars, c'est beaucoup moins que ce que les bailleurs de fonds traditionnel apportent en une année. Mais il faut souligner que contrairement aux apports de l'Union européenne, de la Banque mondiale ou de la BAD, l'argent de Wisco ne sera pas à rembourser par les générations présentes et futures. Maintenant, on peut se poser des questions sur la gestion de cet argent. Les récentes révélations par nos confrères de la Gazette de la Grande Ile hier sur des détournements par milliards d'Ariary perpétrés par des proches du Président de la HAT ; les cas flagrants d'enrichissement sans cause ; les étranges mais récurrentes exceptions aux interdictions d'exportation de bois de rose ; et les hummer qui fleurissent sur les parkings : tout ceci autorise à l'inquiétude sur le concept d'intégrité depuis plus d'un an, alors que ce régime en a pourtant fait son cheval de bataille. Sans oublier qu'on espère que les études d'impact environnemental ont été faites correctement pour Soalala, et que les retombées réelles pour le pays seront conséquentes, au lieu de la propagande habituelle.


Mais ce ne sont pas ces 100 millions USD qui vont rassurer pour autant dans le contexte les bailleurs de fonds, les touristes ou les investisseurs étrangers, à part Wisco, qui prend quand même des risques en traitant avec un régime transitoire non reconnu, et dont les décisions risquent à tort ou à raison d’être plus tard remises en cause. Mais pour ceux qui hurlent au scandale, rappelons que l’adjudication de cet appel d’offres s’est faite sous le régime Ravalomanana. La seule question qui se pose est la suivante : pourquoi n’est-il concrétisé que maintenant ? A moins qu’avant et après le 17 mars 2009, certains aient d’abord voulu s’occuper d’intérêts supérieurs à ceux de la Nation avant de donner le « ok »définitif….


Dans la foulée, la HAT a donc sorti un Gouvernement et un Conseil consultatif constitutionnel, le tout orienté vers la réalisation d’une feuille de route électorale.  Et en chemin, une concertation nationale qui sera sous la houlette d’une entité qui est affirmée comme neutre. Depuis l’existence de cette transition aussi bien honteuse par sa naissance que catastrophique par ses résultats socio-économiques actuels, ce n’est pas la première fois qu’on assiste à des assises nationales, à un remaniement gouvernemental, ou même à une consultation au sujet de la constitution. Car souvenons-nous que durant les dernières semaines, Monja Roindefo avait également mis en place un comité de trois experts constitutionnalistes. Et pour le plaisir, contemplons encore une fois cette superbe photo prise lors de l’atelier Teny Ifampierana à Ivato, qui montre que les rencontres organisées hâtivement ne peuvent tenir que du folklore, et générer une concentration plus que discutable.


Il faut crever les abcès


Au risque d’apparaitre comme un vieil éditorialiste qui radote, rappelons encore une fois notre citation favorite d’Albert Einstein : « La folie est de toujours se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent ». Et même si certains énergumènes se croyant intéressants vont crier à la « soupe resucée et froide » en relisant pour la énième fois cette citation, il semble à l’expérience que certains à qui elle s’adresse ne comprennent pas vite, même quand on leur explique longtemps. Donc Wisco ou pas Wisco, ce n’est pas la prise de décision unilatérale qui va résoudre cette crise, tout simplement parce qu’au lieu de les guérir, les plaies vont rester béantes sous le folklore agité pour tenter de les cacher.  La crise de 2009 a eu lieu parce que les blessures  de 2002 n’ont pas été cicatrisées, du fait de l’arrogance du régime Ravalomanana, qui estimait que la réconciliation nationale était inutile. Et il est illusoire de croire que la méthode Rajoelina qui consiste à voir le monde entier à travers son nombril va lui permettre de trouver la sortie de la crise actuelle, et surtout éviter une nouvelle crise dans quelques années.


Après avoir mené un coup d’Etat dont le principal résultat a été de mettre à la rue des dizaines de milliers de personnes qui avaient un emploi stable avant janvier 2009 ; après avoir créé une situation dans laquelle des centaines d’entreprises ont du mettre la clé sous la porte ; après avoir utilisé des stratagèmes foireux qui ont généré des lignes de fractures dans une armée dont on n’est pas près de voir la fin des bêtises ; et après avoir mené une vendetta contre l’Eglise protestante FJKM pour lui faire payer ses accointances avec Marc Ravalomanana, Andry Rajoelina s’est donc autoproclamé « Président de tous les Malgaches ».  Tous, sauf au moins un. Ou même deux, car mon ami Georges Rabehevitra s’en est offusqué dans un excellentissime éditorial, qu’on devrait mettre en sujet de BEPC, pour compenser le sujet made in fada du BEPC de l’année dernière. Mais moi je m’étonne que l’oncle Georges s’offusque de cette auto-proclamation, comme si ce régime en était à une pitrerie près.


Pour aboutir à une sortie de crise sereine, il faudra donc que tous ces abcès soient crevés et mis sur la table de manière impartiale, afin de pouvoir avancer vers la guérison. Et quant au françafricain de forum qui se reconnaitra, toujours prompt à critiquer les éditos pour le plaisir et sous prétexte que ce qu’il faut ce sont des solutions, rappelons (entre autres) l’humble contribution à travers le texte « Reconstruire une république respectée car respectable » (partie 1 et partie 2). Et d’ailleurs, quand je relis tous les éditos publiés depuis un an et demi par Tribune.com, je m’aperçois que ce ne sont pas les propositions constructives qui ont manqué, quelle que soit la plume : celle du sage Patrick, du facétieux Georges Rabehevitra ou de l’abominable Ndimby.


Mais reconstruire la République nécessite de la part de la HAT, non pas de la bonne foi, car on ne va pas lui demander l’impossible, mais au moins un peu de bonne volonté. Et qu'un minimum de ses promesses de démocratie, bonne gouvernance, essor économique soient maintenant suivies d'effets, au lieu d'être continuellement payées en monnaie de singe. Car comment la HAT peut-elle prétendre rechercher l’apaisement et la sortie de crise, alors que de l’autre côté. intimidations, emprisonnements et tabassage en règle d’opposants et de journalistes continuent. Et il est risible de voir les arguties juridiques sorties par les griots à la solde du régime pour aboyer sur les opposants qui font des rassemblement interdits, ou les militaires qui font des mutineries. Ainsi, pour faire le pseudo-juriste pseudo savant, un de nos confrères inféodé à la HAT aime à répéter à satiété la mention de l’article 92 du code pénal : « seront punis de mort, ceux qui auront levé ou fait lever des troupes armées, engagé ou enrôlé, fait engager ou enrôler des soldats ou leur auront fourni ou procuré des armes ou munitions, sans ordre ou autorisation du pouvoir légitime ».

Au vu de certaines images de manifestants pro-TGV publiées sur le blog de Menalamba, ou dans le livre sur la crise publié par nos confrères de l’Express, ou encore quand on se remémore les photos de Andry Rajoelina se faisant fièrement encadrer par des mutins avant le 17 mars, on se dit qu’il doit y avoir un code pénal à deux vitesses. Une pour ceux qui l’appliquent, et une autre pour ceux à qui on veut chercher des poux. En attendant l’alternance, y compris à Tsiafahy.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article