TRÈS PETITES BRÈVES

Publié le par Ny Marina

 

 

Le 22 octobre 2010

 

Pour quiconque aime rencontrer des gens et parloter ici ou là, Antananarivo est en ce moment un véritable paradis. Que de réunions où les gens se réunissent pour prendre des décisions – capitales, paraît-il, pour la vie et l’avenir du pays ! – et qui se déchirent sans résultat, mais en gardant de bonnes relations. Rencontrer un ennemi politique que l’on a depuis vingt ou trente ans, n’empêche pas de lui faire la bise et, au moment de se séparer, de souhaiter la prochaine rencontre.

Il y a aussi, mais sur la marge, des réunions où l’on trouve cent ou deux cents personnes qui sont sagement assises toute la journée avec de petits moments de récréation et qui écoutent de longs exposés faits par des gens dont tous ne sont pas pourtant de ceux que l’on peut dire être de bons orateurs, mais qui exposent leurs expériences et leurs réflexions sur un aspect de la vie du pays. On peut même y entendre et y converser avec des orateurs qui sont à des milliers de kilomètres. Miracle de la vidéoconférence, mais miracle très explicable de la technique moderne que l’on ne trouvera ni au Congrès ni au Conseil malgacho-malgaches pourtant en quête de reconnaissance internationale. Ce ne sont pas ces réunions de travail qui feront les grands titres dans les médias du soir ou du lendemain, mais elles pourraient avoir à terme plus d’effets positifs que les grands discours faits par de bons orateurs qui défendent aujourd’hui ce qu’ils condamnaient hier.

J’ai donc assisté ce jeudi à une réunion de bilan et de réflexion sur le fonctionnement du micro-crédit à Madagascar qu’avait organisé l’Afd, l’Agence Française pour le Développement. Récemment, tous les auditeurs de Rfi ont pu entendre une intervioue de Jean-Bernard Véron, spécialiste des « Etats fragiles » où il disait que le développement économique n’imposait pas obligatoirement la démocratie. Un pays comme le Vietnam reste un état autoritaire mais qui se développe et fait progresser le niveau de vie de la population. Le mécanisme du micro-crédit tient ou peut tenir une grande place auprès des – n’ayons pas peur des mots – auprès des petites gens qui n’ont pas accès aux banques institutionnelles et ne pourraient satisfaire aux conditions de crédit qu’elles pratiquent. Le micro-crédit est mis en œuvre par des formes nouvelles de petites banques le plus souvent mutualistes qui offrent des conditions de crédit accessibles aux petits emprunteurs. A Madagascar, les paysans qui empruntent remboursent les prêts avec un taux de 98%, faisant ainsi mentir le cliché qui voudrait qu’un Malgache qui emprunte de l’argent ne le rembourse pas. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problèmes, surtout depuis que tout le monde est atteint par les effets de la crise. Les petites banques du micro-crédit trouvent des solutions pour les résoudre. Il nous faut surtout retenir que c’est le monde oublié de la campagne qui peut trouver dans ce système les moyens de se développer et d’accroître son niveau de vie.

Dans les récréations de ce genre de réunion, on rencontre de multiples personnes, ministres actuels ou anciens, et des responsables de toute sorte. J’avais appris que Brigitte Rasamoelina des Apela manao politìka a été élue Vice-Présidente du Congrès grâce aux voix du TIM, de TGV, de l'Escopol et divers autres avec 145 voix. Ça ne me déplaît pas. Vous savez déjà que j’ai un petit faible pour Brigitte. Il y a donc deux Tim à la tête du Congrès. C’est la vitalité du mouvement malgré le départ de son Dada, mais aussi le choix de personnalités reconnues pour leur intégrité.

Quant aux autres nouvelles, elles ne me plaisent pas. Quelqu’un du Ministère du Transport fait part de son désarroi sur les entraves – venant du plus haut niveau – subies par son ministère et par conséquent pouvant hypothéquer notre avenir avec certaines organisations internationales.

Quelqu’un du ministère de l’environnement révélait l’impuissance de son ministère à faire cesser le trafic de bois de rose, tant les trafiquants bénéficient de protection en très haut lieu. Trente (30) containers sont en partance et seront payés aujourd’hui vendredi par le commanditaire chinois qui, avec ses valises, débarque de Chine uniquement pour payer son opération. Et l’on dit que la Transition a interdit toute exportation de bois de rose. On lit aussi que le ministre de l’intérieur dit que son pays « ne doit pas appartenir à des casseurs, à des voleurs et à ceux qui sont là pour piller». Mais c’est en France… Serait-ce l’Hexagone heureux ?

Enfin, une brève toute fraîche de ce matin, quoique ce soit déjà une affaire ancienne. Il était une fois une coopérative fianaroise qui voulait valoriser les productions de fruits de la région de la Matsiatra. Elle contacta alors l’Onudi, vous savez ce machin onusien qui a son siège à Vienne en Autriche et qui aide le secteur privé des pays reconnus par la communauté internationale. Les Fianarois voulaient obtenir du matériel. Le machin posa ses conditions. Il fallait qu’un bâtiment soit construit et donné à la coopérative. L’accord fut conclu et, il y a trois ans, le matériel arriva sous couverture plastique dans la capitale du Betsileo. Il ne coûtait que la somme ridicule de 160.000 dollars américains, soit environ 350.000.000 d’ariary au cours d’aujourd’hui. Un budget de 10.000 US $ était aussi inscrit dans les comptes du machin pour le consultant qui installerait le matériel. Tout était bien en place pour que la filière confiture de la région commence à travailler. Elle aurait heureusement remplacé l’usine de Lachaize de Vohimasina qui, à l’époque coloniale, avait pendant longtemps fourni des conserves en tous genres, dont les boîtes de singe durant la Grande Guerre et une délicieuse confiture de ces « melons d’Espagne » que l’on appellevoaketsihetsy en malgache.

Tout aurait été parfait dans le meilleur des mondes, si n’était apparu un blocage. Ce n’est pas un blocage culturel dû à la culture malgache qui, dans la région, s’était de longtemps habitué à fournir ses productions à l’usine Lachaize. C’était un blocage dû à la pratique politique – ou pôlitìka – et à la culture du monde administratif malgache. Le bâtiment n’avait pas été transféré à la Coopérative et la Région préférait que le matériel soit accordé à un autre destinataire à qui l’immeuble serait donné. L’on ne m’a pas dit la raison de cette préférence, et je ne dirai rien de la rumeur. Je nous laisse la deviner. Le machin en question est rigide et refuse que nous soyons les maîtres de notre avenir. Après trois ans de demande sans autre résultat que négatif, il ne veut toujours pas modifier le nom du bénéficiaire. Il y a, c’est évident, à Fianarantsoa des espoirs qui vont encore être déçus. La décision irrépréhensible de Vienne fut à nouveau formulée ce matin. Les espoirs fianarois ne le savent pas encore. Et le beau matériel restera encore longtemps dans son bel emballage plastique.

L’économie progresse à Madagascar. C’est évident : l’on commence par économiser le matériel pour ne pas l’user. Dans cinquante ans, ce sera une belle pièce du Musée de l’industrie ratée.

 

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